Le temps tient une importance considérable dans mes travaux photographique et voilà une nouvelle série dans un style dit Urbex* qui m'a conduit à m'interroger une nouvelle fois sur notre rapport au temps (voir mes séries sur les mondes parallèles et le temps relatif).
En effet, "fenêtres temporelles, le temps d'une vie" regroupe mes dernières images de portes et fenêtres dans des lieux abandonnés, délabrés et ouverts à tous vents. A mon sens ces images interpellent inévitablement sur "le temps d'une vie". Qu’est-ce, qu’une fenêtre si ce n’est une ouverture aménagée dans un mur afin de laisser pénétrer l’air et la lumière, de voir le monde extérieur et de communiquer avec lui ! On s’en approche pour y lire ou travailler mais avant tout, la fenêtre sert à regarder à l’extérieur, à observer, parfois à se montrer ou échanger regards, propos et objets. « La fenêtre, en province, remplace le théâtre et les promenades » écrivait Gustave Flaubert, mais la fenêtre c’est aussi, une ouverture de l’esprit sur l’imaginaire.
Le temps présent n’est plus qu’un simple moment servant à se situer sur cette mince frontière entre les souvenirs et les futures réalisations. Les Mayas, les Égyptiens et de nombreuses autres anciennes civilisations ont créé des calendriers fort complexes en mathématisant le temps sur d’autres bases que les nôtres. Ces sociétés accordaient une très grande importance à leur mémoire du passé comme garante du futur et leur calendrier prévoyait des périodes de transformation sociale sur des milliers d’années à venir. Les Mayas, par exemple, avaient cinq fenêtres temporelles de 5 200 ans pour un cycle total de 26 000 ans. À l’intérieur de ce grand cycle les cinq fenêtres temporelles s’emboitaient en conservant la mémoire d’événements astronomiques importants qui leur rappelaient que le temps présent se construit inévitablement par la fusion d’un passé et d’un avenir.
Rassembler cette trilogie passé / présent / futur déjà liée à des forces qui nous dépassent, consiste donc à choisir des souvenirs, des actions et des projections qui feront partie de la même séquence de développement, même imaginaire. Plus notre présent est en correspondance avec des développements ayant une histoire et un avenir, plus nous semblons «avoir du temps».
Cette série d’images de portes et fenêtres est conçue comme ces fenêtres temporelles en donnant à voir différents plans. Elles sont les ouvertures du présent sur le passé et l’avenir. Elles fixent sur la pellicule l’écoulement de plusieurs développements temporels, incluant leur cycle de manifestations à l’intérieur d’une dimension dont le spectateur est l’axe principal. Toutes les fenêtres temporelles que vous allez imaginer à partir de ces photographies vont automatiquement associer un passé mémorisé à un avenir projectif depuis un temps présent avec une grande profondeur de champ. Dans ces images, la nature tient une place considérable. Elle semble reprendre ses droits sur l’espace occupé par notre espèce. Et pour cause, « l'œil, appelé fenêtre de l'âme, est la principale voie par où notre intellect peut apprécier pleinement et magnifiquement l'œuvre infinie de la nature » selon Léonard De Vinci.
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